Peu scrupuleux quant à la morale, Alfonsi n’était néanmoins pas privé de cœur, comme en témoigne sa réaction au piteux spectacle qu’offrait Lognon, effondré au plus creux de ses tourments intérieurs, aspirés par l’angoisse de sombrer corps et âme dans la fiction : « Allons, mon vieux Lognon, c’est quand même pas une marquise qui va vous mettre dans des états pareils, même sortie à 5 heures !… Du nerf, commissaire !… Tout n’est pas perdu… Du moins si on agit assez vite ! » À ses mots, celui que son oncle Édouard surnommait affectueusement Lassoupâh releva soudain la tête et, après avoir, d’un geste précis et mécanique, décongestionné l’épatant appendice qui ornait son visage, déclara : « Ce qui signifie ?… » « Ce qui signifie, ce qui signifie… Vous en avez de bonnes ! Si vous croyez que c’est facile de discuter comme ça, le gosier à sec… Surtout que ça risque d’être un peu long… Parce que pas la peine de me faire un dessin : je sais bien que vous allez me menacer de me retirer ma licence si je vous révèle pas tout ce que je sais… Je suis pas plus con qu’un autre… D’ailleurs, sans vouloir offenser personne, mais n’importe quel lecteur de polars aurait déjà deviné ce que vous vous apprêtiez à me dire, avant de tomber dans vos songeries… » Lognon hocha la tête tout en tapotant un dossier à la couverture jaunie par le temps : « Moi aussi, j’ai roulé en 4L… » Le privé à la triste allure ne lui laissa pas le temps de poursuivre : « C’est bien ce que je disais, on devrait pouvoir s’entendre ! » Le commissaire répliqua tout en allumant sa pipe : « Se comprendre, Alfonsi… se comprendre ! »