où, temporairement, le taxi est mis en stand by

Le commissaire Lognon n’écoutait plus le taxi que d’une oreille distraite, non pas que son épatant appendice eût alors réclamé de sa part une attention particulière, mais en raison de la vibration qu’il sentit sur sa cuisse gauche, vibration émanant de la poche de son imperméable, à cette heure encore détrempé, vibration annonciatrice de la réception d’un message qui, aussitôt, l’amena à plonger la main dans ladite poche, écarter quelques mouchoirs et une pipe au fourneau encore tiède, avant d’extraire son téléphone portable et, professionnel jusqu’au bout, de placer sa main restée libre afin de masquer l’écran qui s’allumait, ce non en raison d’un quelconque problème de faux jour ou de reflet, mais dans un souci de confidentialité dans la transmission de l’information, le privé à la triste allure qui était assis près de lui tentant déjà, après avoir étiré, jusqu’à la dernière vertèbre, tant son dos que son cou, de jeter, mais en vain, un œil scrutateur sur le message que le digne successeur de Maigret commençait à découvrir : « Marquise avoué sortie 16h30 coz salon de thé. » Lognon ne put réprimer un sourire tout en éteignant son portable. Et vous aussi, sans doute, lecteur, avez-vous souri. Votre perspicacité est sauve : Emma n’est pas sortie en compagnie de sa bonniche !… Et puis, vous vous en doutiez depuis le début que la marquise était sortie plus tôt, mais certainement pour un motif futile, qu’elle mentait en quelque sorte par coquetterie, ou simple réflexe de classe, haine atavique de l’aristo pour tout ce qui touche de près ou de loin à la République… Et là, hein ! par gourmandise, qu’elle était sortie… Collait avec le portrait du personnage. Et ceci dit sans une once de jugement !… Yann-Erwann, les pâtisseries… Ben voyons !… Encore heureux que vous ayez jamais eu l’idée de postuler pour devenir flic. Tout à votre honneur, lecteur ! Mais telle dose de naïveté, allons !… Souriait pourquoi, d’après vous, le commissaire ? Parce qu’énorme, alibi pareil !… Ridicule !… Du travail d’amateur !… Et ce couillon de Lapointe qui se laissait prendre. Tiens ! le taxi, là, en train de débiter son histoire, jamais il serait tombé dans pareil panneau. « Parce que, bon, comme j’disais, hein ! 35 piges à faire le con derrière un volant, ça vous en apprend sur les bonshommes et les bonnes femmes !… Enfin, c’est du moins c’que j’croyais !… Parce que c’coup-là, on m’l’avait encore jamais fait… Mais enfin, comme on dit, hein, on en apprend tous les jours !… »

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