Archive pour dyslexie

où la bruine dégouline et le ciel bas pèse comme un couvercle

Posted in flics et privés, marquise, Uncategorized, Yann-Erwann with tags , , , , , , , , , , , , , on Mai 22, 2010 by michel brosseau

Accompagné de sa « p’tite marquise », celle-là même qui à dix-sept heures, etc. – à quoi bon, sinon par souci d u rituel et fidélité à la contrainte initiale, vous le rappeler encore au cent vingt-septième épisode ? – Yann-Erwann, tennisman et néanmoins breton, n’était plus qu’à quelques pas du gymnase Jean Moulin quand survint le terrible événement qui le contraint à s’enfuir le soir même vers sa Bretagne natale. Une petite bruine s’était mise à tomber. Non pas un de ces crachins bretons si vivifiants, mais une de ces bruines qui plombe l’ambiance, une de ces dégoulinures bien glauques qui bouche l’horizon et vous noie l’âme aussi bien que les contours des bâtisses, une de ces bruines qui vous fait marcher les épaules rentrées en dedans, l’air maussade et dégoûté. Quand deux hommes les ont dépassés d’un pas pressé, ni la marquise ni Yann-Erwann n’y ont véritablement prêté attention. Que des passants marchent vite sous cette bruinasse qui vous pénétrait jusqu’aux os n’avait rien de vraiment étonnant. Ce n’est que lorsque que la main d’Emma, qu’il tenait dans la sienne, se mit à le serrer nerveusement qu’il releva enfin la tête, habitué qu’il était à marcher les jours de pluie les yeux au sol. Le grand escogriffe hépatique et le petit rougeaud râblé leur barraient le passage, les bras croisés et le regard dur. Emma était soudain devenue aussi pâle que la bande du survêtement Adidas que portait ce jour-là le tennisman armoricain. Quant à ce dernier, autant vous dire tout de suite qu’il n’affichait plus son habituelle mine de jeune premier. Ils demeurèrent ainsi quelques instants, aussi tremblotants qu’Alfonsi au réveil, immobiles sous la bruine sale qui détrempait la ville. Combien de temps exactement, Yann-Erwann fut bien incapable de le préciser, arguant du fait que sa dyslexie mal soignée avait entraîné une perception déficiente tant du temps que de l’espace. Il allait exposer comment son institutrice avait, pendant son année de cours préparatoire, repéré ses problèmes quand le commissaire Lognon, rompant avec sa résolution de demeurer patient, se permit de l’interrompre, parfaitement conscient, à la différence de son interlocuteur, que l’on avait assez perdu de temps comme ça : « Alors, comme ça, vous étiez face à face sur le trottoir et… »